Interview de la réalisatrice du film "L'ikigaï"
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Gwenny NURTANTIO, la réalisatrice qui finit son 1er long métrage en 1 an à peine, nous livre ses secrets de fabrication
“Réalisatrice? C’est mon 13e job”, nous annonce Gwenny NURTANTIO, 30 ans, qui sort en 2026 son tout premier long métrage, “L’ikigaï”. “Avant ça, j’ai navigué de la case stagiaire à celle de manager, de la mode à la pharma. On m’avait dit à Solvay VUB qu’avec un diplôme d’ingénieur de gestion, je pourrais tout faire. Pas faux.” Rien d’étonnant, vu ce parcours, que son film ait pour sujet le sens du travail, et qu’elle ait choisi de le baptiser “mission de vie” (c’est la signification du mot “ikigaï” en japonais).

“J'ai appris le métier de réal avec un chat qui s'appelle Jipiti”
Prendre des chemins de traverse, ça a toujours été sa façon de fonctionner.
Juillet 2025. Nous sommes quelques mois après la parution de son 3e livre, “Il en faut peu pour travailler mieux. 25 solutions pour désencombrer ma vie pro”, qu’elle a co-écrit avec sa soeur Yoneko et leur maman Marie-Louise BRUYÈRE. Ce jour-là, comme à leur habitude, elles brainstorment en famille. C’est probablement leur activité favorite: fabriquer de nouvelles idées. “Et si on faisait un film? Un film! On adapte “Il en faut peu” au cinéma. Ouah ! J’ai déjà plein d’idées qui me viennent en tête!”
Le mois de juillet file à rêver le projet ensemble (“on caste qui comme acteurs?” “où est-ce qu’on va trouver un cheval?” “et si on demandait au finaliste de The Voice de composer la bande originale!”). En août, Gwenny se concocte un programme de formation intensif comme elle en a le secret. En un mois de vidéos YouTube et de longues papotes ChatJipitesques, elle apprend les métiers de: scénariste, réalisatrice, directrice de la photographie, cadreuse, cheffe électricité et monteuse image (oui, parce que, à côté de ça, elle avait déjà les compétences en place pour les volets stylisme, chorégraphies et storyboardeuse). “Tourner avec des enfants et des animaux? “Oui, j’ai appris après que ça aurait dû m’effrayer.”
Multipotentielle et culottée: elle réalise un film zéro budget
“En réalisant “L’ikigaï”, j’ai trouvé le job ultra complet qui correspond à mon caractère multipotentiel: je combine mes passions pour l’écriture, la photo, la danse et la musique. Ce qui est génial, en créant un film, c’est d’assembler sur un seul projet autant de dimensions artistiques et techniques. Et aussi administratives - ça c’est ce qu’ajouterait ma sœur Yoneko, qui s’est chargée de tout le volet juridique - on l’a nommée officiellement productrice. Elle a fait un boulot remarquable, parce qu’on peut vraiment parler de film “zéro budget”.”
Introduire un dossier de demande de subvention? “No way, on ne correspondait pas du tout aux cases. Imaginez plutôt: “Bonjour, je n’ai pas de diplôme de cinéma, aucun court-métrage à mon actif, mais j’ai tout appris sur YouTube et mon papa dit que mon scénario est du tonnerre.”” Non, il allait falloir faire ses preuves autrement.
NO = Next Opportunity
Et toute la team familiale a resserré les rangs autour de Gwenny et Yoneko : leur maman Marie-Louise a assuré la régie, le rôle de scripte et même de clapwoman, tandis que leur papa Wahyudi NURTANTIO était la personne de référence pour la logistique.
“On peut dire que chaque membre de notre famille a exercé environ dix métiers différents sur ce film.” Ensuite, la famille a demandé à son réseau qui voulait soutenir le projet en offrant le catering et des cadeaux aux figurants, contre du placement de produit, ou bien en prêtant (pour souvent presque rien) des lieux de tournage, le temps d’une après-midi. Maison Dandoy, KIDYWOLF, Drink a Flower… les acteurs d’un jour ont été gâtés !
“De cette expérience, je retiens: “montre aux gens que c’est simple de t’aider”. Pas de grande convention de mécénat, mais une participation qui ne demande quasi aucun effort.”
Plus de 150 personnes ont été mobilisées, dont une centaine d’acteurs et de figurants. On y retrouve les “potes de 70 ans et plus”. “Ce sont d’authentiques rebelles”, commente la réalisatrice. Entre les anciens amis du chanteur Arno, celles qui se remettent au ballet à 40 ans et Fabienne, la policière qui pose nue à mon cours de modèle vivant... “Leurs histoires me fascinent. Et ils sont tellement tournés vers l’avenir! Rien à voir avec un club de nostalgiques! J’ai tissé des liens beaucoup plus facilement avec eux qu’avec des trentenaires.”
Playa del Ostende
Enfin, “beaucoup plus facilement”, c’est relatif. Encore faut-il se comprendre: “Il m’a fallu 12 ans pour devenir bilingue en néerlandais. Après avoir fréquenté le Chiro, les cours en immersion, la VUB, je me croyais prête à m’installer ici. Mouhaha.” Le flamand occidental se révèle plus exotique que le polonais - elle ne saisit pas un mot - ce malentendu inspirera d’ailleurs une scène de “L’ikigaï” au sujet des “échoués” (ceux qui vivent à Ostende sans y être nés).
“Je suis arrivée à Ostende grâce au covid; je n’étais venue que trois fois auparavant, j’ai rapidement checké sur Google Maps et j’ai acheté tout de suite, sans même visiter la ville. Il y avait une gare, donc tout irait bien. Et puis surtout, j’avais décidé de ne pas attendre la pension pour vivre le rêve d’habiter à la mer.”
C’est l’appel que lance le film: choisir de vivre dès à présent une vie plus intentionnelle.
“Moi je dis que cette ville me porte chance.” À l’évidence : quel réalisateur reçoit en cadeau un double arc-en-ciel pour le jour du tournage, sur une plage soudain déserte ? “Merci Ostende! Et puis merci aussi à Stefan Tanghe, à Li Li Chong, au réalisateur Dominique Deruddere et à Arne Quinze!” [l’artiste à qui l’on doit “Rock Strangers”, ces sculptures sur la digue en forme de… canettes oranges géantes?] Je tenais à faire danser la protagoniste au pied de ce monumental hommage aux “échoués”. C’est une œuvre dans laquelle je me reconnais, et qui ne laisse pas indifférent. On aime ou on déteste. La réalisatrice ajoute : “Et Arne s’en réjouit. Pour “L’ikigaï”, c’est pareil. Un critique de cinéma m’a annoncé : ‘Il y a des gens qui vont sortir de la salle. C’est culotté et audacieux.’ Ce n’est pas un film de style glace à la vanille, qui plaira à tout le monde. Et ça, ça me convient parfaitement.”

Du coup, bientôt un “Film 2”?
Et à refaire? “Réaliser “L’ikigaï”, c’était super beau, super dur, super intense. J’ai eu tant de pics d’adrénaline et de moments où je devais chasser le syndrome de l’imposteur, comme le 1er jour, quand j’ai appuyé sur OFF au lieu de ON - du coup, à la fin de la scène, j'ai masqué en disant: “elle était pas mal mais on va la refaire”.
“On a tous les quatre connu des gros moments de down, aussi. Ce film nous a poussés au-delà de nous-mêmes, et si travailler en famille, c’est ce que je préfère au monde, ça a aussi généré des tensions parfois très vives. J’ai entamé un travail thérapeutique après le tournage, et ça m’a beaucoup aidée à me remettre du film (qui était sans doute, lui-même, une forme de thérapie suite à mon errance professionnelle).” Cet accompagnement a lourdement influencé le montage: les lamentos ont été coupés, il en ressort un film optimiste, sans auto-apitoiement, avec une protagoniste qui va de l’avant.
“Et en même temps, je ressens tellement de joie et de reconnaissance pour chacune des 150 personnes qui sont venues nous aider! Avec une mention particulière pour Marie Phan, l’actrice principale, qui crève littéralement l’écran dans son premier rôle au cinéma. Elle était resplendissante dans le rôle d’Esmeralda, au théâtre du Parc; c’est une révélation dans le rôle de Lynn Sumarni, devant la caméra.”
“Après le tournage, on s’est dit tous les quatre: “Plus jamais! On ne fera plus jamais un film!” Mais je nous connais. Bien sûr, on a déjà démarré un fichier qui s’intitule… “Film 2”.”
Biographie de la réalisatrice
Gwenny NURTANTIO (1995) est réalisatrice autodidacte, autrice et conférencière. Bruxelloise de naissance, d’origine sino-indonésienne et ostendaise d’adoption (“je ne vais pas attendre la pension pour vivre à la plage”), Gwenny est ingénieure commerciale (Solvay VUB) et a fondé avec sa famille l’ASBL Nurtantio Projects, qui promeut un mode de vie sain, durable et épanouissant.
“L’ikigaï” est son premier long métrage; il est basé sur son dernier livre, “Il en faut peu pour travailler mieux. 25 solutions pour désencombrer ma vie pro”. Avec sa sœur, Yoneko NURTANTIO, elle forme les entreprises, du poste de junior à associé, pour changer l’approche du travail dans une perspective “High Impact, Low Burn”.
Ce film, réalisé en 1 an au lieu de 5, fait officiellement d’elle un “maître en efficacité”.
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